L'enrichissement et le retraitement de matières nucléaires constituent une activité industrielle hautement spécialisée et stratégique en France. Cette activité englobe les processus complexes de transformation de l'uranium naturel en combustible utilisable dans les réacteurs nucléaires, ainsi que le traitement des combustibles usés pour récupérer les matières valorisables. La France occupe une position de leader mondial dans ce domaine grâce à son expertise technologique développée depuis les années 1960 et à ses installations industrielles de pointe.
L'enrichissement de l'uranium consiste à augmenter la concentration d'uranium 235, isotope fissile naturellement présent à 0,7% dans l'uranium naturel. Le processus d'ultracentrifugation, utilisé par Orano dans son usine Georges Besse II du Tricastin, permet d'atteindre des taux d'enrichissement de 3 à 5% nécessaires aux réacteurs civils. Cette installation, d'une capacité de 7,5 millions d'UTS (Unités de Travail de Séparation) par an, représente l'une des plus importantes au monde.
Le retraitement permet de séparer les matières valorisables contenues dans les combustibles nucléaires usés. L'usine de La Hague, exploitée par Orano, traite annuellement environ 1 700 tonnes de combustibles usés provenant des réacteurs français et étrangers. Ce processus permet de récupérer 95% des matières : uranium de retraitement et plutonium, qui peuvent être recyclés en nouveaux combustibles MOX (Mélange d'OXydes).
Les activités d'enrichissement et de retraitement sont soumises à un cadre réglementaire extrêmement strict. Chaque installation doit obtenir un décret d'autorisation de création délivré par l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) après instruction technique approfondie. Les exploitants doivent démontrer la maîtrise des risques radiologiques, chimiques et de criticité, ainsi que leur capacité financière à assurer le démantèlement futur des installations.
La protection physique des matières nucléaires relève de la compétence du Haut Fonctionnaire de Défense et de Sécurité (HFDS) du ministère de l'Écologie. Les installations sont classées zones à accès protégé avec des mesures de sécurité renforcées incluant surveillance permanente, contrôles d'accès biométriques et forces d'intervention spécialisées. Le transport des matières nucléaires s'effectue selon des procédures strictes définies par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA).
Les entreprises du secteur relèvent principalement de la Convention collective nationale des industries chimiques (IDCC 44), étendue par arrêté ministériel. Cette convention couvre les aspects spécifiques aux industries de process continu et aux contraintes particulières du nucléaire. Elle prévoit des dispositions particulières concernant la pénibilité, les formations obligatoires en radioprotection et les classifications spécialisées pour les métiers du nucléaire.
Le secteur bénéficie d'un dialogue social structuré avec des Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) renforcés. Les représentants du personnel bénéficient de formations spécialisées en radioprotection et participent aux inspections de sûreté. Les salariés exposés aux rayonnements ionisants bénéficient d'un suivi médical spécialisé par des médecins agréés en médecine nucléaire.
L'activité se concentre sur quelques sites industriels majeurs. Le complexe du Tricastin dans la Drôme regroupe l'usine d'enrichissement Georges Besse II et des installations de conversion. La Normandie accueille l'usine de retraitement de La Hague (Manche) et l'usine de fabrication de combustibles MOX de Melox (Gard). Ces sites emploient directement plus de 15 000 personnes et génèrent un écosystème d'entreprises sous-traitantes spécialisées.
| Site industriel | Région | Activité principale | Effectifs directs |
|---|---|---|---|
| Tricastin | Auvergne-Rhône-Alpes | Enrichissement uranium | 1 500 |
| La Hague | Normandie | Retraitement combustibles | 6 000 |
| Melox | Occitanie | Fabrication MOX | 400 |
Le secteur recrute principalement des ingénieurs et techniciens spécialisés en génie des procédés, chimie nucléaire, automatisme industriel et radioprotection. Les opérateurs de conduite d'installation nucléaire bénéficient de formations longues certifiées par l'ASN. Les métiers de la maintenance requièrent des habilitations spécifiques pour intervenir en zones radioactives contrôlées.
Les formations initiales s'appuient sur les cursus d'ingénieurs des grandes écoles (Mines, Centrale, INSTN) et les BTS/DUT en génie chimique ou mesures physiques. Tous les salariés suivent une formation initiale en radioprotection et des recyclages périodiques. Les postes de sûreté nucléaire nécessitent une habilitation délivrée par l'exploitant après formation et examen devant l'ASN.
Le secteur fait face à des enjeux de renouvellement industriel avec la modernisation des outils de production vieillissants. L'optimisation des procédés vise à réduire les volumes de déchets radioactifs ultimes et à améliorer les rendements de récupération. Les investissements dans la robotique et l'intelligence artificielle permettent de réduire l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants.
La France maintient sa position concurrentielle face à la concurrence internationale, notamment russe et chinoise. Les contrats de retraitement avec les électriciens étrangers (Japon, Allemagne, Belgique) représentent un chiffre d'affaires annuel de plusieurs milliards d'euros. Le développement des réacteurs de génération IV nécessitera l'adaptation des procédés actuels aux nouveaux types de combustibles.