Les 5B de Kepner : cadre opérationnel pour un merchandising efficace
Définition et origine
Les 5B de Kepner sont un ensemble de principes pratiques formulés par Charles H. Kepner dans les années 1960 pour optimiser le merchandising en point de vente. Initialement présentés dans l’ouvrage « Modern Supermarket Operations », ces principes visent à organiser l’offre et l’espace de vente afin d’augmenter la conversion et la valeur moyenne du panier. Bien que l’expression « 5B » ait évolué vers une version dite « 6B » avec l’ajout de la bonne information, le noyau conceptuel reste centré sur cinq exigences opérationnelles : proposer le bon produit, au bon endroit, au bon moment, au bon prix et en bonne quantité.
Cadre conceptuel et portée
Ce modèle est essentiellement tactique et s’applique aussi bien aux surfaces physiques (magasins, supermarchés, corners) qu’aux espaces numériques (sites e-commerce, marketplaces). Il se situe à l’interface entre la stratégie commerciale et l’exécution opérationnelle : design d’assortiment, implantation, signalétique, planification des promotions, gestion des stocks et pilotage des prix. L’objectif est d’aligner l’offre sur les attentes du client ciblé tout en optimisant les indicateurs commerciaux (taux de transformation, rotation des stocks, marge, taux de rupture).
Les cinq règles détaillées
Le bon produit : il s’agit d’avoir une offre pertinente pour la clientèle ciblée. Pertinence signifie adéquation fonctionnelle, esthétique, marque et positionnement qualité/prix. Exemple pratique : dans un magasin d’articles pour animaux, proposer des gammes de croquettes segmentées (chat stérilisé, chat sensible, senior) répond à des besoins précis et améliore la probabilité d’achat.
Le bon endroit : emplacement physique ou logique au sein du parcours client. Il comprend l’implantation produit, la proximité des catégories complémentaires, et la visibilité en vitrine ou en page d’accueil. Cas concret : placer les snacks près des caisses pour capter les achats d’impulsion ; sur un site web, positionner les produits phares en zone « best-sellers » et optimiser la navigation par filtres.
Le bon moment : synchroniser l’offre avec la saisonnalité, les événements commerciaux et les moments d’achat. Gestion de l’assortiment saisonnier, calendrier promotionnel et timing des mises en avant. Par exemple, anticiper l’été avec une mise en avant des produits antiparasitaires pour animaux deux à trois semaines avant la hausse d’activité du marché.
Le bon prix : prix aligné sur la promesse produit, la concurrence et la sensibilité prix du segment. La stratégie prix doit veiller à la compétitivité tout en conservant la marge cible. Une opération de cross-check concurrentiel régulière et des tests A/B en ligne permettent d’ajuster le prix optimal sans dégrader l’image de marque.
La bonne quantité : tenir les stocks nécessaires pour satisfaire la demande sans surstock excessif. Cela relève de la prévision, de la planification des réapprovisionnements et de la gestion des ruptures. Un exemple opérationnel : définir des seuils de réapprovisionnement et des allocations de stock par magasin pour éviter les ruptures sur les produits volumétriques comme les sacs de croquettes.
La sixième dimension : la bonne information
Souvent ajoutée à posteriori, la bonne information consiste à fournir au client des informations claires et accessibles (étiquetage, fiche produit, conseils d’usage, comparatifs). Dans un contexte omnicanal, cela couvre la description produit en ligne, les avis clients, la signalétique en rayon et l’aide à la décision via vendeurs ou chatbots. L’information réduit la friction d’achat et permet l’autonomie du consommateur, améliorant la conversion et diminuant le recours au SAV.
Applications pratiques et cas d’usage
Cas supermarché : optimiser les linéaires en mixant rotation élevée et marge. Empiler les promos sur des têtes de gondole en ciblant les périodes pertinentes (rentrée, fêtes) et maintenir un stock de sécurité sur les références rapides pour éviter la perte de panier.
Cas magasin spécialisé (animalerie) : segmenter l’assortiment par espèce et par utilisation, créer des îlots thématiques (santé, alimentation, accessoires) et synchroniser la PLV digitale (newsletter, home page) avec les promotions en magasin.
Cas e-commerce : appliquer les 5B via architecture de l’information (bon produit mis en avant sur landing pages), recommandations personnalisées (bon endroit sur page produit), campagnes email ciblées (bon moment), politique de prix dynamique (bon prix) et gestion des stocks en temps réel (bonne quantité).
Mise en œuvre opérationnelle et KPIs
Pour déployer les 5B, les équipes doivent articuler merchandising, supply chain, pricing et expérience client. Méthodologie recommandée : cartographier le parcours client, définir les personas, élaborer des règles d’implantation, calibrer les seuils de stock, et mettre en place des tests et un suivi métrique. KPIs à surveiller : taux de transformation, panier moyen, taux de rupture, rotation de stock, part de linéaire promo et marge par mètre linéaire. Des revues hebdomadaires permettent d’ajuster rapidement.
Pièges fréquents et recommandations
Erreur courante : dissocier merchandising et supply chain. La meilleure mise en rayon perd son efficacité si le produit n’est pas disponible. Recommandation : synchroniser planning promo et approvisionnement.
Trop d’actions promotionnelles qui diluent la perception de valeur. Recommandation : planifier une hiérarchie d’offres et conserver des références prix-stables pour les items d’image.
Mauvaise granularité du ciblage : implanter localement selon le profil client de chaque point de vente. Recommandation : adapter assortiment et mise en avant par magasin en utilisant données de vente locales.
Checklist opérationnelle rapide
- Vérifier la cohérence offre/persona (bon produit).
- Auditer visibilité et positionnement en parcours (bon endroit).
- Planifier saisonnalité et calendrier promotionnel (bon moment).
- Comparer prix compétitifs et marge cible (bon prix).
- Définir seuils de réassort et allocations (bonne quantité).
- Simplifier l’accès à l’information produit (bonne information).
Conclusion
Les 5B de Kepner constituent un cadre pragmatique, orienté exécution, pour maximiser la performance commerciale des points de contact client. Intégrés dans une démarche omnicanale et soutenus par des données opérationnelles, ces principes favorisent une expérience d’achat fluide et rentable. Leur force réside dans la simplicité : en vérifiant systématiquement le produit, l’endroit, le moment, le prix, la quantité et l’information, les équipes peuvent prioriser les actions à fort impact et réduire les frictions qui freinent la conversion.