Cessation de paiement : définition complète et implications comptables et juridiques
Définition juridique et critères essentiels
La cessation de paiement est une notion juridique et financière qui caractérise la situation d'une entreprise lorsqu'elle se trouve dans « l'impossibilité de faire face à ses passifs exigibles avec son actif disponible ». Concrètement, il faut comparer les sommes immédiatement mobilisables (trésorerie, comptes bancaires, réserves de crédit accessibles, créances immédiatement réalisables) aux dettes arrivées à échéance et exigibles. Si l'actif disponible est insuffisant, l'entreprise est en cessation de paiement et la loi impose une déclaration dans un délai précis.
Qui peut être concerné
La cessation de paiement peut affecter aussi bien des personnes physiques que des personnes morales dès lors qu'elles exercent une activité économique. Sont concernés notamment :
- Artisans et commerçants
- Professionnels indépendants et micro-entrepreneurs
- Sociétés commerciales (SARL, SAS, SA, EURL)
- Associations exerçant une activité économique
Cependant, certaines entités ne sont pas soumises à ce régime (établissements de crédit, particuliers soumis à la procédure de surendettement, ou entreprises relevant de régimes locaux spécifiques comme en Alsace-Moselle).
Calcul pratique : actif disponible vs passif exigible
Pour apprécier la cessation de paiement, il convient d'opérer un calcul pragmatique :
- Actif disponible : trésorerie, comptes bancaires, lignes de crédit encore utilisables, créances clients immédiatement mobilisables ou cessibles.
- Passif exigible : dettes fournisseurs, dettes fiscales et sociales arrivées à échéance, échéances de prêt exigibles, loyers et autres charges exigibles.
Exemple chiffré : une PME dispose de 8 000 € en banque et 12 000 € de créances clients mobilisables (20 000 € d'actif disponible) ; son passif exigible est de 35 000 €. Elle est donc en cessation de paiement car 20 000 € < 35 000 €.
Particularités pratiques
Il faut tenir compte des réserves de crédits accordées par les banques et des délais obtenus des créanciers : si un créancier accorde un délai qui permet de recouvrer des créances ou de débloquer une trésorerie suffisante, la cessation peut être évitée. L'existence d'une perspective réaliste de couverture des dettes dans un délai court peut modifier l'appréciation du juge.
Déclaration et procédure : étapes et formalités
La déclaration de cessation de paiement doit être faite par le dirigeant au greffe du tribunal compétent dans un délai de 45 jours à compter de la date de cessation. Le dossier comprend notamment le formulaire administratif approprié et des pièces démontrant la situation financière :
- Extrait Kbis récent (pour les sociétés) ;
- Comptes annuels et comptes intermédiaires ;
- Inventaire des actifs et passifs ;
- État détaillé des créances et dettes ;
- Situation de trésorerie (relevés bancaires récents) ;
- État des privilèges, nantissements et engagements hors bilan.
Le tribunal saisi examine la situation et peut ordonner une ouverture de procédure collective. Selon l'analyse, trois issuessont possibles : ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, ouverture d'une liquidation judiciaire, ou orientation vers des mesures préventives si la procédure est déposée trop tardivement.
Conséquences et mesures possibles
L'ouverture d'une procédure collective suspend certaines poursuites individuelles des créanciers et permet la mise en place d'un plan de continuation ou d'une liquidation. Les conséquences principales sont :
- Nomination d'un juge-commissaire et d'un administrateur ou liquidateur ;
- Suspension des intérêts de certaines dettes ;
- Possible maintien de l'activité sous surveillance (redressement) ou cessation et réalisation des actifs (liquidation) ;
- Risque de mise en cause de la responsabilité des dirigeants en cas de faute de gestion ou d'aggravation de l'insuffisance d'actif.
Cas pratiques
Cas 1 - Artisan : un artisan ayant 5 000 € en caisse, 10 000 € de créances clients contestées et 25 000 € de dettes fournisseurs se trouve en cessation. La déclaration conduit le tribunal à ouvrir un redressement si un plan de paiement est envisageable ; sinon la liquidation sera prononcée.
Cas 2 - SAS en croissance : une SAS avec des investissements lourds mais des flux décalés peut temporairement être en cessation si ses lignes de crédit sont gelées. Une négociation préalable avec la banque ou la procédure de conciliation peut sauver l'entreprise si un accord est trouvé avant le dépôt.
En synthèse, la cessation de paiement est un point de bascule juridique majeur : elle impose une évaluation rigoureuse de l'actif disponible et du passif exigible, une déclaration rapide et documentée, et peut déboucher soit sur des mesures de sauvegarde et de redressement, soit sur la liquidation de l'entreprise. Une prise en charge précoce par un conseil spécialisé et des négociations en amont augmentent fortement les chances de préserver l'activité ou d'obtenir des conditions favorables pour les créanciers et les salariés.