Service privé et distinct du Registre National du Commerce et des sociétés tenues par les greffiers des tribunaux de commerce. Informations fournies par le Groupement d’intérêt économique des greffiers des tribunaux de commerce (G.I.E. INFOGREFFE)

Commissaire aux apports

Mise à jour 06/10/2025 Finances

Commissaire aux apports : définition, missions et modalités pratiques

Définition synthétique

Le commissaire aux apports (CAA) est un expert indépendant mandaté pour apprécier la valeur des apports en nature lors de leur entrée au capital d'une société. Sa mission combine une expertise d'évaluation économique et une vérification juridique : il détermine la valeur des biens matériels ou immatériels, constate leur existence et contrôle la qualité de propriétaire de l'apporteur. Le résultat de sa mission est formalisé dans un rapport écrit qui doit être annexé aux documents constitutifs ou modificatifs de la société et déposé au greffe du tribunal de commerce.

Missions détaillées

  • Évaluation : choisir et appliquer une méthode d'évaluation adaptée (comparative, rendement, coûts historiques, méthode mixte) et calculer une valeur estimée au jour de l'apport.
  • Vérification : s'assurer de l'existence physique ou juridique du bien (inspection, extraction d'extraits de registre, consultation de titres, contrats, certificats, preuves de propriété intellectuelle).
  • Contrôle des droits : vérifier que l'apporteur détient bien les droits qu'il prétend céder et qu'il peut librement transmettre ces droits sans charge excessive.
  • Rédaction d'un rapport circonstancié exposant la méthode, les hypothèses, les calculs et la conclusion chiffrée.
  • Notification des limites et réserves : mentionner les incertitudes, les conditions suspensives ou les éléments non vérifiables à la date d'évaluation.

Cadre légal et obligations

Le rôle et la procédure du CAA sont encadrés par le droit des sociétés. Certaines formes sociales imposent la désignation d'un CAA (par exemple la société anonyme à la constitution). Pour les sociétés par actions simplifiées (SAS) et SASU, la nomination est requise dès le premier apport en nature. Pour les SARL ou EURL, la nomination est facultative sous conditions (apport individuel inférieur ou égal à 30 000 euros et total des apports en nature inférieur ou égal à 50 % du capital social). Le rapport du CAA doit être annexé aux statuts ou aux actes modificatifs et transmis au greffe du tribunal.

Modalités de nomination

La nomination est généralement décidée par les associés à l'unanimité parmi les professionnels inscrits sur la liste de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) ou par un collège ad hoc selon les règles statutaires. À défaut d'unanimité, le greffe du tribunal de commerce peut procéder à la désignation. Le CAA doit respecter les règles d'indépendance : il ne peut pas exercer de mission de commissariat aux comptes pour la même entité en situation de conflit, et il doit déclarer toute situation compromettante.

Contenu et structure du rapport

  • Présentation du mandat : objet, identité des parties, date et étendue des diligences.
  • Description précise de chaque apport : nature, origine, situation juridique, documents examinés.
  • Méthodologie d'évaluation retenue et justification de ce choix.
  • Calculs détaillés et valeur chiffrée attribuée à chaque apport au jour de son intégration au capital.
  • Éventuelles réserves ou éléments non audités et leur impact potentiel sur la valorisation.
  • Conclusion synthétique et signature du commissaire.

Honoraires, durée et limites

La rémunération du CAA est réglementée par des décrets qui encadrent une fourchette indicative en fonction de la valeur des apports et de la complexité de la mission. Les honoraires sont proportionnels à l'effort d'audit, au degré de documentation nécessaire et aux risques juridiques. Une mission simple pour un apport d'équipement d'une PME pourra coûter quelques milliers d'euros ; une évaluation complexe de portefeuille de brevets ou d'un fonds de commerce international peut atteindre des montants nettement supérieurs. La durée minimale est souvent limitée par les prescriptions réglementaires et dépend des délais nécessaires pour les vérifications sur pièces et sur place.

Risques, responsabilités et recours

Le commissaire aux apports engage sa responsabilité civile professionnelle pour les fautes commises dans l'exercice de sa mission. Si une valeur est surévaluée par négligence et qu'elle cause un préjudice aux créanciers ou aux associés, le CAA peut voir sa responsabilité recherchée. En revanche, si les associés décident d'ignorer le rapport et d'attribuer eux-mêmes une valeur, ils prennent la responsabilité directe de cette évaluation pour une durée minimale de cinq ans et s'exposent à des sanctions pénales en cas de majoration frauduleuse.

Cas pratiques et exemples concrets

Exemple 1 - Création d'une SARL avec apport en matériel

Une SARL est constituée avec deux associés. L'un apporte 20 000 euros en numéraire, l'autre apporte une machine industrielle. Le CAA est sollicité pour évaluer la machine. Méthode retenue : comparaison de marché et actualisation d'une cote d'usure. Après inspection et vérification des factures d'achat et de maintenance, le CAA fixe la valeur à 18 000 euros. Le rapport, annexé aux statuts, permet de déterminer la répartition des parts sociales sans ambigüité et protège les associés et créanciers.

Exemple 2 - Apport d'un portefeuille de brevets à une SAS

Dans une SAS, un entrepreneur apporte un portefeuille de brevets valorisés par anticipation des revenus futurs. Le commissaire aux apports applique une méthode par actualisation des flux et confronte les hypothèses de marché, les licences en cours et la validité juridique des titres. Il émets des réserves sur certains brevets sous opposition et propose une valeur ajustée avec des scénarios optimiste/prudent. Le rapport précise les hypothèses de taux d'actualisation et les risques juridiques, permettant aux associés de négocier la quote-part correspondante.

Exemple 3 - Fusion avec apports partiels d'actifs

Lors d'une fusion, des apports partiels d'actifs (fonds de commerce, stocks, contrats) doivent être évalués. Le CAA réalise des audits ciblés : valorisation du fonds par comparaison sectorielle et analyse des contrats clients pour estimer la durabilité du chiffre d'affaires. Son rapport sert de base à la convention de fusion et protège les intérêts des sociétés absorbantes et des minoritaires.

Bonnes pratiques pour les dirigeants et associés

  • Mandater le CAA suffisamment tôt afin qu'il dispose des pièces et du temps nécessaires.
  • Fournir des documents complets et vérifiables : titres de propriété, contrats, bilans, factures, états de maintenance, certificats de dépôt des brevets.
  • Solliciter, si nécessaire, des experts techniques (ingénieurs, évaluateurs IP) pour éclairer l'analyse du CAA sur des éléments spécialisés.
  • Considérer plusieurs scénarios de valorisation et documenter les hypothèses pour réduire les litiges ultérieurs.
  • Veiller à l'indépendance du CAA et éviter les conflits d'intérêts potentiels.

Conclusion

Le commissaire aux apports joue un rôle clé dans la sécurité juridique et financière des opérations d'apport en nature. Sa mission garantit une estimation objective des apports, protège les associés et les créanciers, et conditionne la répartition du capital social. Pour les entreprises, une préparation rigoureuse et la coopération active avec le CAA réduisent les risques et améliorent la qualité des décisions stratégiques liées aux apports, aux augmentations de capital et aux opérations de restructuration.