Déclaration Obligatoire d'Emploi des Travailleurs Handicapés (DOETH) - définition et guide opérationnel
Présentation synthétique
La DOETH (Déclaration Obligatoire d'Emploi des Travailleurs Handicapés) est la formalité annuelle et déclarative par laquelle une entreprise informe les organismes compétents du nombre de travailleurs en situation de handicap qu'elle emploie et, le cas échéant, calcule sa contribution financière en cas de non-respect de l'obligation d'emploi. Elle s'inscrit dans le dispositif français d'insertion professionnelle des personnes handicapées et permet de vérifier l'application du taux légal d'emploi de 6 % des effectifs. La DOETH se transmet via la DSN (Déclaration Sociale Nominative) ou par une procédure de substitution prévue par l'administration.
Cadre juridique et acteurs impliqués
La DOETH relève du droit du travail et de la réglementation sociale. Les principaux acteurs sont : les employeurs soumis à l'obligation, les services sociaux collecteurs (Urssaf, Caisse Générale de Sécurité Sociale ou MSA pour le secteur agricole), l'Agefiph (ou la FIPHFP selon le secteur public), et la DREETS pour l'agrément d'accords. L'objectif est double : mesurer l'emploi des personnes handicapées et financer des actions d'insertion si l'obligation n'est pas remplie.
Employeurs concernés
- Toutes les entreprises privées et publiques doivent déposer une DOETH chaque année, quelle que soit leur taille.
- L'obligation d'emploi (taux de 6 %) s'applique spécifiquement aux entreprises d'au moins 20 salariés en équivalent temps plein (ETP), calculés sur la moyenne annuelle.
Organismes destinataires
La déclaration transite par la DSN vers les organismes de recouvrement. La contribution éventuelle est versée à l'Agefiph (secteur privé) ou au FIPHFP (secteur public) via l'Urssaf, la Caisse générale de sécurité sociale ou la MSA selon le régime de l'employeur.
Contenu et modalités de la DOETH
La DOETH précise le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi (salariés reconnus travailleurs handicapés, titulaires d'une pension d'invalidité, bénéficiaires de l'obligation d'emploi tels qu'ayant la RQTH, etc.), ventilés par type de contrat et pondérés selon le temps de travail. Elle signale également l'existence d'accords agréés d'emploi de personnes handicapées, les actions de sous-traitance ou les embauches réalisées auprès d'entreprises adaptées, ainsi que les dépenses déductibles qui réduisent la contribution.
Périodicité et transmission
- La DOETH est annuelle mais la DSN permet un suivi mensuel des effectifs. Le dépôt s'effectue selon le calendrier fixé par l'administration (généralement chaque année pour l'année civile précédente).
- L'employeur conserve les pièces justificatives pendant 5 ans pour contrôle par l'Agefiph ou la DREETS.
Calcul de l'effectif et règles de comptabilisation
Le calcul de l'effectif pris en compte pour l'obligation est réalisé en équivalent temps plein sur l'année. Les salariés à temps partiel sont comptabilisés proportionnellement à leur durée de travail. Certains contrats sont exclus du dénominateur selon des règles précises.
Exclusions et cas particuliers
- Les contrats de mission et les CDI intérimaires ne sont pas pris en compte dans l'effectif moyen annuel lorsque l'entreprise est une structure de travail temporaire ; on ne retient que les effectifs permanents.
- Les salariés mis à disposition (groupements d'employeurs, portage salarial) peuvent être exclus du calcul selon le statut juridique ; des règles spécifiques s'appliquent pour la déduction des dépenses en faveur des salariés portés en situation de handicap.
- Les salariés concernés par une ECAP (emploi exigeant des conditions d'aptitude particulières) peuvent donner lieu à une déduction spécifique, calculée selon le barème applicable et multipliée par une valeur forfaitaire (exemple de référence : 184 ETP selon règlement en vigueur).
Calcul de la contribution et modes de réduction
Si l'entreprise n'atteint pas le taux de 6 % de bénéficiaires, elle est redevable d'une contribution calculée sur le nombre de bénéficiaires manquants. La contribution annuelle s'établit selon le barème en vigueur ; elle peut être réduite par :
- les dépenses relatives à l'emploi de personnes handicapées (aménagements, formation, aides à l'emploi) imputables sur la contribution ;
- les contrats passés avec des entreprises adaptées, établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou travailleur indépendant handicapé, sous conditions ;
- la conclusion et l'agrément d'un accord collectif d'emploi signé et validé par la DREETS, qui peut exonérer totalement ou partiellement de la contribution pendant la durée de l'accord.
Exemple chiffré
Cas pratique : une entreprise de 120 ETP doit employer 6 % soit 7,2 équivalents - arrondi au règlement applicable - donc 7 ou 8 personnes selon les règles de calcul. Si elle emploie 4 bénéficiaires, elle est en défaut pour 3 équivalents. Si le montant unitaire de la contribution est fixé à 16 275 euros par bénéficiaire manquant, la contribution brute serait de 3 x 16 275 = 48 825 euros, à moduler ensuite selon les dépenses déductibles et les exonérations éventuelles prévues par les accords ou actions engagées.
Sanctions, majorations et délais
Le non-respect ou la déclaration tardive expose l'employeur à des pénalités financières. Des majorations peuvent s'appliquer par bénéficiaire manquant. Des plafonds et taux de réduction peuvent être appliqués pour des périodes transitoires (exemples d'ajustements temporaires entre 2020 et 2024 dans des réformes antérieures). En cas de non-transmission, l'entreprise s'expose aussi à un redressement lors d'un contrôle.
Délai de mise en conformité et situations transitoires
- Une entreprise nouvellement passée au-dessus du seuil de 20 salariés dispose généralement d'un délai de mise en conformité (période transitoire de 5 ans dans certains cas) pendant lequel elle n'est pas immédiatement redevable de la contribution, afin de faciliter le recrutement progressif.
- Pour les groupes multi-établissements, l'obligation est appréciée au niveau de l'entreprise (somme des effectifs) et la déclaration peut être consolidée en une seule DOETH pour l'ensemble des établissements.
Procédure pratique : étapes pour remplir la DOETH
Étapes recommandées :
- Identifier les bénéficiaires de l'obligation (RQTH, pension d'invalidité, bénéficiaires de certaines allocations) et recenser les contrats et temps de travail pour obtenir les ETP.
- Vérifier les exclusions applicables (intérimaires, portage) et calculer l'effectif moyen annuel.
- Rassembler les justificatifs des dépenses déductibles (aides à l'emploi, formation, aménagements), des contrats sous-traités avec ESAT/EA, et des accords collectifs agréés.
- Déclarer via la DSN selon le calendrier ; conserver pendant 5 ans tous les justificatifs.
- En cas d'incertitude, saisir un rescrit handicap pour obtenir une position formelle des organismes sociaux sur la situation de l'entreprise.
Bonnes pratiques administratives
- Mettre en place un suivi RH mensuel des ETP et des salariés reconnus handicapés pour faciliter la saisie annuelle.
- Documenter les actions engagées (recrutement ciblé, partenariats avec structures adaptées) pour pouvoir les valoriser en déductions lors du calcul de la contribution.
- Consulter la DREETS pour l'agrément d'accords collectifs et anticiper les délais d'instruction.
Recours, contrôle et rescrit
L'employeur dispose de mécanismes de contestation et de clarification. Le rescrit handicap permet d'obtenir une réponse formelle des organismes sociaux sur l'assujettissement et le mode de calcul applicables à une situation donnée. En cas de contrôle, l'Agefiph ou la DREETS peuvent demander les pièces justificatives conservées. Les délais usuels sont : 15 jours pour demander des pièces complémentaires et 2 mois pour une réponse au rescrit, sous réserve des procédures administratives en vigueur.
Exemple concret de recours
Exemple : une PME de 25 salariés doute du calcul de ses ETP car plusieurs employés sont en CDD successifs et un salarié est en situation de portage. Elle adresse un rescrit en fournissant le SIRET, la description détaillée des contrats et la demande de positionnement réglementaire. Les organismes disposent du délai légal pour demander des pièces complémentaires, puis rendent une décision qui sécurise l'employeur quant à ses obligations pour l'année concernée.
Résumé opérationnel
La DOETH est un outil de pilotage et de contrôle de l'emploi des personnes handicapées. Elle engage des obligations déclaratives strictes, une vigilance sur le calcul des effectifs en ETP et la tenue des justificatifs. Pour réduire le risque financier, l'employeur doit anticiper les recrutements, valoriser les dépenses éligibles, conclure éventuellement un accord agréé et, si besoin, utiliser le rescrit pour sécuriser sa situation. Une gestion proactive facilite la conformité et permet de mettre en place des actions durables en faveur de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.