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Discrimination à l'embauche

Mise à jour 06/10/2025 Ressources humaines

Discrimination à l'embauche : définition et enjeux pour les ressources humaines

Définition générale

La discrimination à l'embauche désigne toute décision ou pratique de recrutement qui prive un candidat d'une chance équitable d'être recruté pour des raisons étrangères à ses compétences professionnelles, son expérience ou sa capacité à occuper le poste. Elle se manifeste lorsqu'un recruteur, un manager ou un employeur adopte un traitement différencié fondé sur des critères protégés par la loi plutôt que sur des critères objectifs liés au travail. Cette pratique contrevient au principe d'égalité de traitement et est strictement encadrée et sanctionnée.

Cadre légal et motifs protégés

En droit du travail, et plus particulièrement dans le Code du travail français, un ensemble de critères est expressément protégé : on parle couramment des 21 motifs reconnus comme discriminants dans le contexte de l'emploi. Ces motifs incluent, sans s'y limiter : l'origine, le sexe, l'orientation sexuelle, les mœurs, l'âge, la situation familiale, l'identité sexuelle, la grossesse, la situation économique, l'appartenance ethnique ou nationale, la religion, le nom, l'appartenance politique, l'état de santé, les données génétiques, le handicap, l'apparence physique, l'appartenance syndicale, les activités mutualistes et le lieu de résidence. Tout refus de recrutement, toute question ou toute clause contractuelle fondée sur ces critères est prohibé sauf exceptions légitimes et limitées.

Distinction entre discrimination directe et indirecte

On distingue classiquement la discrimination directe - lorsqu'une décision explicite vise un critère interdit (ex. : "poste réservé aux hommes") - et la discrimination indirecte - lorsqu'une pratique apparemment neutre produit, en réalité, un effet défavorable systématique sur une catégorie de personnes (ex. : exiger un diplôme d'une université française excluant de nombreux étrangers compétents). L'indirect est souvent plus difficile à détecter mais tout aussi sanctionnable.

Étapes du recrutement exposées au risque

La discrimination peut intervenir à chacune des phases du recrutement :

  • Rédaction de l'offre d'emploi : mentions discriminatoires ou exigences non justifiées.
  • Diffusion et canaux de recrutement : recours exclusif à réseaux fermés favorisant certains groupes.
  • Tri des CV : écartement basé sur le nom, l'adresse, l'âge apparent.
  • Tests, questionnaires et entretiens : questions prohibées sur la vie privée, la religion, la situation familiale.
  • Proposition contractuelle : conditions moins favorables en raison d'un critère protégé.

Exemples concrets

  • Une annonce précisant "candidat de nationalité française" alors que la nationalité n'est pas nécessaire au poste.
  • Un responsable écarte un CV à cause d'un prénom perçu comme "étranger".
  • Obligation de présence à un événement le soir qui exclut de facto les parents isolés sans justification.
  • Demander à une candidate si elle prévoit d'avoir des enfants lors d'un entretien pour un poste administratif.
  • Fixer un niveau de diplôme issu uniquement d'universités locales pour un poste nécessitant surtout des compétences techniques.

Conséquences et sanctions

Les pratiques discriminatoires peuvent entraîner des conséquences administratives, civiles et pénales. Les victimes ou témoins peuvent saisir le Défenseur des droits, l'inspection du travail, une association spécialisée ou un syndicat. En matière civile, le candidat peut porter l'affaire devant le Conseil de Prud'hommes pour obtenir l'annulation d'une décision, la réparation du préjudice et la modification des pratiques de recrutement. Au pénal, l'employeur s'expose à des poursuites pouvant conduire à sanctions civiles et pénales : amendes (jusqu'à 45 000 euros dans certains cas mentionnés en jurisprudence), peines d'emprisonnement pouvant atteindre 3 ans, et dommages-intérêts au profit de la victime. Par ailleurs, des sanctions disciplinaires internes peuvent viser le recruteur fautif, jusqu'au licenciement.

Preuve et procédure

La question de la preuve est centrale. La victime doit d'abord établir des faits laissant présumer une discrimination (éléments de contexte, comparaisons, messages écrits, témoignages). Une fois ces éléments avancés, la charge de la preuve peut évoluer : l'employeur devra alors démontrer que sa décision était fondée sur des raisons objectives et non discriminatoires. Les délais de recours, la nature des pièces à fournir et les voies de saisine varient ; il est recommandé au candidat de conserver tous les éléments (offres, courriels, comptes rendus d'entretien) et de solliciter une assistance juridique ou associative.

Exceptions et motifs légitimes

La loi admet des différences de traitement lorsque celles-ci sont objectivement justifiées, nécessaires au poste et proportionnées au but recherché. Exemples acceptables : exigences liées à la sécurité (inaptitude médicale empêchant l'exercice d'une tâche dangereuse), exigences liées à l'authenticité d'un rôle (casting pour un rôle spécifique), ou nécessités liées à la nature du poste (contrainte horaire incompatible avec un état de santé). Ces justifications doivent être documentées et applicables de manière stricte et limitée.

Discrimination positive

La prise de mesures temporaires favorables à certaines catégories (par ex. quotas, campagnes ciblées) peut être pratiquée dans un objectif de rééquilibrage lorsqu'elle est proportionnée et prévue par la réglementation. On parle de discrimination positive ou d'action positive : elle vise à corriger des inégalités structurelles, mais elle reste encadrée et circonstanciée.

Bonnes pratiques pour les entreprises

Prévenir la discrimination à l'embauche est un enjeu de conformité et de performance. Mesures recommandées :

  • Rédiger des fiches de poste centrées sur les compétences et résultats attendus.
  • Standardiser les critères de sélection et les grilles d'entretien.
  • Former les recruteurs aux questions légales et aux biais inconscients.
  • Mettre en place des procédures de traitement des signalements et des incidents.
  • Recourir à l'anonymisation des CV lors des présélections pour limiter les biais liés au nom ou à l'âge.
  • Mesurer et suivre les indicateurs de diversité et d'égalité (audits, tableaux de bord).
  • Prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes en situation de handicap.

Conseils pratiques pour les candidats

Si vous estimez avoir été victime d'une discrimination, conservez toute pièce utile (annonces, échanges écrits, CV envoyés, comptes rendus d'entretien). Cherchez des comparaisons factuelles (candidats embauchés avec un profil similaire), sollicitez un soutien syndical ou associatif, et saisissez le Défenseur des droits ou le Conseil de Prud'hommes selon la nature du litige. Documenter précisément les faits et les dates accélère le traitement du dossier.

Cas pratiques illustratifs

Cas 1 - Offre discriminante : Une PME publie une annonce "recherche secrétaire, de préférence femme". Un candidat masculin refuse d'être reçu. S'il peut démontrer que l'exigence de sexe n'était pas justifiée par le poste, il dispose d'un fondement pour action. L'employeur risque l'annulation de l'offre et un dédommagement.

Cas 2 - Critère indirect : Une entreprise impose une clause de mobilité sur des zones géographiques éloignées, excluant de fait des candidats avec des contraintes familiales ou des ressources limitées de déplacement. Si cette clause n'est pas nécessaire et proportionnée, elle peut constituer une discrimination indirecte.

Cas 3 - Justification objective : Un chantier nécessite un examen médical prouvant l'aptitude à des travaux en hauteur. S'il existe un risque avéré et que l'employeur justifie la proportionnalité de la mesure, l'exigence peut être admise.

Conclusion - responsabilité et prévention

La discrimination à l'embauche est une infraction grave tant sur le plan moral que juridique. Les services RH ont la responsabilité de construire des processus de recrutement transparents, objectifs et documentés. Pour les candidats, la connaissance de leurs droits et la conservation des éléments de preuve sont essentielles pour faire valoir leurs recours. Enfin, prévenir la discrimination améliore l'attraction des talents, réduit les risques juridiques et renforce la réputation de l'entreprise ; il s'agit d'un impératif stratégique autant que d'une obligation légale.