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Entreprise à mission

Mise à jour 06/10/2025 Entreprise

Entreprise à mission : définition, cadre juridique et pratique

Définition synthétique

Une entreprise à mission est une société commerciale qui inscrit, dans ses statuts, une finalité qui dépasse la seule recherche du profit et intègre des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux à conduire dans le cadre de son activité économique. Cette structure formalise une ambition durable et vérifiable - la raison d'être - qui oriente la stratégie, la gouvernance et les décisions opérationnelles de l'entreprise. La qualification implique un dispositif de suivi et de contrôle externe destiné à garantir la cohérence entre les engagements statutaires et les pratiques effectives.

Cadre juridique et formalités

En France, le concept d'entreprise à mission a été introduit par la loi PACTE de 2019. Pour être reconnue, la société doit modifier ses statuts afin d'y inscrire :

  • la raison d'être formulant les objectifs poursuivis ;
  • les objectifs opérationnels traduisant cette raison d'être ;
  • les modalités de suivi et d'évaluation de ces objectifs ;
  • la composition et le rôle d'un comité en charge du suivi, obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés.

Une fois ces éléments incorporés, la société peut demander l'enregistrement de la mention "entreprise à mission" au greffe du tribunal de commerce ; elle figurera alors sur l'extrait K-bis et dans les registres officiels.

Inscription de la raison d'être dans les statuts

La raison d'être doit être claire, durable et articulée avec l'activité économique. Elle peut comporter plusieurs volets - par exemple la réduction d'empreinte carbone, l'inclusion sociale ou la qualité des produits - et doit préciser les champs d'action et les populations visées. La formulation statutaire est contraignante : elle engage juridiquement la société vis-à-vis des parties prenantes et des autorités de contrôle.

Comité de mission et contrôle externe

Selon la taille et la gouvernance, l'entreprise met en place un comité de suivi chargé d'évaluer la mise en œuvre de la raison d'être, d'élaborer des rapports annuels et de recommander des actions correctrices. Un organisme tiers indépendant réalise au minimum un contrôle périodique (premier contrôle entre 18 mois et 2 ans selon la taille, puis au moins tous les deux ans) et publie un rapport disponible publiquement. Ce rapport contient un avis et des constats, et son absence ou son caractère négatif peut conduire au retrait de la mention entreprise à mission.

Fonctionnement opérationnel et gouvernance

L'inscription de la mission se traduit par des changements concrets : gouvernance adaptée, indicateurs de performance non financiers, clauses contractuelles, et intégration aux processus RH. La raison d'être doit être traduite en objectifs mesurables (KPI), budgets affectés, responsables identifiés et calendrier de réalisation. La gouvernance doit permettre la prise en compte des parties prenantes - salariés, clients, fournisseurs, collectivités - dans les décisions stratégiques.

Mise en œuvre des objectifs

La mise en œuvre requiert des étapes pratiques :

  • diagnostic initial pour chiffrer l'écart entre la situation existante et les objectifs ;
  • plan d'action pluriannuel avec ressources dédiées ;
  • création d'indicateurs spécifiques (ex : réduction des émissions en tonnes CO2, taux de salariés en parcours d'insertion, part d'approvisionnement local) ;
  • intégration des clauses de mission dans les contrats-clés et les processus achats ;
  • formation des équipes et communication interne pour aligner culture et pratiques.

Rapports, transparence et responsabilité

L'entreprise publie des rapports internes et externes, rend compte des indicateurs et conserve une traçabilité des actions. Le rapport d'audit de l'organisme tiers est rendu public et doit être accessible sur le site internet pendant au moins cinq ans. Sur le plan juridique, la mention de mission peut engager la responsabilité civile de la société si elle ne met pas en oeuvre les moyens conformes aux engagements statutaires : des tiers concernés peuvent invoquer l'insincérité des attestations ou l'absence d'efforts raisonnables.

Avantages, limites et risques

  • Avantages : renforcement de la confiance des parties prenantes, différenciation commerciale, attractivité pour les talents, alignement stratégique long terme, accès facilité à des financements responsables.
  • Limites : formalités administratives, coûts d'audit et de reporting, risque de communications excessives sans réalisation (greenwashing ou socialwashing), complexité de traduction opérationnelle des engagements.
  • Risques juridiques : retrait de la mention, actions en responsabilité, critique publique si les rapports d'audit sont négatifs.

Cas pratiques et exemples concrets

Exemple 1 - PME industrielle : une entreprise de 120 salariés inscrit en statuts la réduction de sa consommation énergétique de 40 % en dix ans et l'utilisation de 60 % d'approvisionnement local pour ses composants. Elle crée un plan d'investissement en efficacité énergétique, affecte un responsable RSE et met en place des KPI trimestriels. Un organisme indépendant vérifie les économies et publie le rapport de conformité.

Exemple 2 - Start-up technologique : une SAS intègre une mission visant l'inclusion numérique des publics fragilisés. Elle formalise des objectifs annuels (nombre d'ateliers, taux d'accès aux services) et conclut des partenariats avec des associations. Pour rester crédible, la start-up publie des indicateurs d'impact social et incorpore des clauses d'impact dans ses levées de fonds.

Exemple 3 - Grand groupe : un groupe coté inscrit une raison d'être visant la neutralité carbone à horizon 2035 et la reconversion professionnelle des employés. Il met en place un comité de mission indépendant, lie une partie de la rémunération variable aux résultats environnementaux et soumet ses rapports à un auditeur tiers. La mission sert également de protection contre certaines opérations financières contraires à la stratégie de long terme.

Exemple 4 - Artisans et TPE : une EURL peut aussi devenir entreprise à mission. Un boulanger artisan inscrit la préservation des filières locales et l'usage d'ingrédients biologiques comme objectif. Le dispositif est proportionné : preuves d'achats, fiches fournisseur et suivi annuel suffisent pour démontrer la mise en oeuvre.

Checklist pratique - Devenir entreprise à mission

  • Rédiger une raison d'être claire et mesurable compatible avec l'activité.
  • Identifier des objectifs opérationnels et les indicateurs associés.
  • Modifier les statuts et approuver la mention en assemblée générale.
  • Constituer un comité de suivi selon la taille de l'entreprise.
  • Prévoir un budget et un calendrier pour la mise en oeuvre et le reporting.
  • Sélectionner un organisme tiers indépendant pour les audits périodiques.
  • Publier les rapports annuels et l'avis d'audit sur les supports publics.

Conclusion opérationnelle

La qualité d'entreprise à mission n'est pas un simple label marketing : elle implique une transformation durable de la gouvernance et des pratiques, assortie d'obligations de transparence et de contrôle. Bien conçue, elle crée de la valeur partagée - économique, sociale et environnementale - mais elle requiert des moyens, des indicateurs pertinents et une capacité d'apprentissage pour ajuster les actions. Pour une mise en oeuvre réussie, il est recommandé d'associer en amont les parties prenantes, d'intégrer la mission dans les processus clés et de prévoir des revues périodiques documentées.