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Prête-nom

Mise à jour 06/10/2025 Juridique

Prête-nom : définition juridique et conséquences pratiques

Lexique - Catégorie : Juridique

Définition juridique

Le prête-nom est, en droit civil français, une personne qui accepte d'apparaître comme signataire ou titulaire d'un acte alors qu'elle agit en réalité pour le compte d'une autre personne, le plus souvent par accord secret. Ce schéma repose sur un mandat occulte ou une convention parallèle appelée contre-lettre, par laquelle le véritable auteur de l'acte (le commanditaire) conserve la maîtrise économique et juridique de l'opération mais demeure caché aux yeux des cocontractants et des tiers. L'article 1201 du Code civil consacre l'idée d'un contrat apparent dissimulant un contrat occulte ; la contre-lettre produit des effets entre commanditaire et prête-nom mais n'est pas opposable aux tiers tant qu'elle n'est pas révélée.

Caractéristiques essentielles

  • Existence d'un accord secret entre le prête-nom et le commanditaire (écrit de préférence).
  • Apparence extérieure de la transaction faite par le prête-nom au profit du commanditaire.
  • Double réalité juridique : un acte apparent opposable aux tiers, et un acte occulte instituant les obligations internes entre prête-nom et commanditaire.
  • Le prête-nom peut être une personne physique ou morale ; le commanditaire est la personne réellement intéressée par l'opération.

Effets entre les parties

Entre le prête-nom et son commanditaire, la contre-lettre ou le mandat occulte crée des obligations réciproques : remboursement éventuel, partage des bénéfices, obligation de rendre compte, indemnisation des pertes. Le prête-nom doit exécuter les instructions et, selon les termes convenus, transférer au commanditaire les droits acquis par l'acte apparent. En pratique, cela signifie que si le prête-nom a contracté pour un bien ou un crédit, il doit remettre la jouissance, les fruits ou la valeur au commanditaire conformément au mandat.

Preuve et mise en œuvre

La preuve de l'existence d'une relation de prête-nom nécessite généralement des éléments matériels : échanges écrits, virements, comptes séparés, témoignages. Sans preuve, le prête-nom reste la face visible et peut être considéré comme le véritable titulaire de l'acte par les juges. Il est donc recommandé de formaliser la relation par une contre-lettre signée en double exemplaire et de préciser les obligations et responsabilités de chacun.

Effets vis-à-vis des tiers

Vis-à-vis des tiers, le prête-nom est, sauf révélation et condamnation pour fraude, la personne apparentée au contrat. Ainsi, il supporte la responsabilité civile et éventuellement pénale à l'égard des tiers dès lors que l'opération engendre des obligations (paiement, livraison, garantie). Les tiers peuvent se prévaloir du contrat apparent ; ils ne sont pas tenus de reconnaître la contre-lettre tant qu'elle n'est pas opposable ou prouvée.

Opposabilité et limites

La contre-lettre n'est pas immédiatement opposable aux tiers : l'opposabilité dépend de la connaissance ou de la preuve de l'existence du contrat occulte. Cependant, si le prêt-nom démontre qu'il a agi sur instruction du commanditaire, il peut se retourner contre ce dernier pour obtenir réparation, remboursement ou prise en charge des obligations. Le droit reconnaît donc une chaîne de responsabilités : le prête-nom aux premiers rangs vis-à-vis des tiers ; le commanditaire, subsidiairement, une fois que la preuve est rapportée ou que la fraude n'est pas constituée.

Distinction avec l'homme de paille

Le terme homme de paille renvoie à l'usage frauduleux d'un prêt-nom pour dissimuler des opérations illégales ou pour contourner des interdictions (interdiction de gérer, condamnation pénale, fraude fiscale). La différence tient principalement à l'intention et à l'effet juridique : le prête-nom peut être employé dans un cadre licite et contrôlé (par exemple pour préserver la confidentialité d'une célébrité), tandis que l'homme de paille vise à tromper l'administration, les créanciers ou la justice.

Conséquences pratiques

  • Si l'usage relève d'une manœuvre frauduleuse, le dispositif perd sa protection : nullité des actes, requalification en fraude, mise en jeu de la responsabilité pénale du commanditaire et du prête-nom.
  • En matière sociale et fiscale, l'administration peut requalifier l'opération pour récupérer impôts et cotisations et sanctionner les responsables.

Risques et sanctions

Les risques varient selon la bonne foi et la licéité du montage. En cas de bonne foi et de respect des obligations, le prête-nom supporte d'abord les créances ; il peut demander indemnisation et exécution contre le commanditaire. En revanche, en cas de fraude - escroquerie, blanchiment, fraude fiscale, exercice illégal d'une activité - les deux parties peuvent être sanctionnées pénalement et civilement. La révélation d'une dissimulation intentionnelle entraîne souvent la nullité des actes, la mise en responsabilité pour préjudice causé aux tiers et des peines pour les infractions commises.

Cas pratiques et exemples

Exemple 1 - Confidentialité commerciale : Une artiste souhaite investir dans une SARL vinicole sans que son nom n'apparaisse. Elle mandate une proche pour figurer comme associée et gérante. Ici, si l'opération est licite et documentée par une contre-lettre précisant partage des bénéfices et obligations, le prête-nom demeure responsable vis-à-vis des tiers mais pourra exiger du commanditaire le transfert des fruits et la prise en charge des dettes.

Exemple 2 - Crédit bancaire : Une personne A permet à B (prête-nom) d'obtenir un prêt de 500 000 euros en figurant comme emprunteur. Si B ne rembourse pas, la banque peut poursuivre B. B pourra toutefois se retourner contre A si la relation de prête-nom est prouvée et que A a reçu les fonds ou a ordonné l'opération.

Exemple 3 - Montage frauduleux : Une personne condamnée souhaite rester dirigeante malgré une interdiction et place un tiers en façade. Si cette fraude est découverte, les actes peuvent être annulés, des sanctions pénales et fiscales peuvent être appliquées, et le dirigeant de fait sera poursuivi.

Pratiques recommandées pour se protéger

  • Formaliser systématiquement la relation par une contre-lettre écrite détaillant le mandat, les modalités financières et les règles de responsabilité.
  • Prévoir des clauses précises : indemnisation, prise en charge des dettes, procédure de règlement des litiges, confidentialité, preuve des flux financiers.
  • Évaluer les risques fiscaux, sociaux et pénaux en consultant un conseil juridique avant toute opération impliquant un prêt-nom.
  • Limiter la visibilité du prête-nom aux seuls actes nécessaires et conserver une documentation complète pour pouvoir justifier de la réalité économique du commanditaire.
  • Ne pas accepter d'agir si l'opération est manifestement frauduleuse : le prête-nom encourt des sanctions lourdes.

Conclusion opérationnelle

Le recours à un prête-nom est un mécanisme juridique à double tranchant : utile pour préserver la confidentialité ou organiser la gestion d'intérêts, il exige une formalisation rigoureuse et une transparence interne entre prête-nom et commanditaire. À défaut, le prête-nom demeure tenu vis-à-vis des tiers et expose les deux parties à des risques juridiques et fiscaux importants. La distinction avec l'homme de paille est principalement intentionnelle et factuelle : l'un peut être licite et encadré, l'autre relève de la subterfuge et de la fraude.