Méthode PERT - Technique d'analyse et de planification des durées en gestion de projet
Définition détaillée
La méthode PERT (Program Evaluation Review Technique) est une technique de planification et d'analyse des projets fondée sur la représentation graphique des activités et sur l'estimation probabiliste des durées. Conçue pour traiter l'incertitude des temps, elle permet d'identifier le chemin le plus long d'activités dépendantes, d'estimer la durée probable du projet et de quantifier les marges de manœuvre. La méthode s'appuie sur un diagramme de PERT - un réseau orienté où les nœuds ou les arcs représentent respectivement des événements ou des activités selon la convention utilisée - afin de rendre visibles les interdépendances, les tâches parallèles et les points de convergence.
Principes et formules clés
Les éléments fondamentaux de la méthode sont :
- la distinction entre trois estimations de durée pour chaque activité : optimiste (a), la plus probable (m) et pessimiste (b) ;
- le calcul de la durée attendue (TE) par la formule TE = (a + 4m + b) / 6 ;
- l'évaluation de la variance de chaque activité : σ² = ((b - a) / 6)², utile pour estimer l'incertitude sur le chemin critique ;
- le calcul des dates au plus tôt et au plus tard pour chaque événement, puis du chemin critique, correspondant à la séquence d'activités sans marge (slack = 0) déterminant la durée minimale du projet.
La méthode distingue les conventions activité-sur-nœud (AON) et activité-sur-flèche (AOA) ; AON est la plus courante aujourd'hui car elle facilite la modélisation des dépendances multiples.
Fonctions analytiques
En plus d'estimer la durée globale, PERT permet :
- d'identifier les activités critiques qui nécessitent surveillance prioritaire ;
- d'estimer la probabilité d'achèvement avant une date cible en combinant TE et la variance des activités du chemin critique via la loi normale approchée ;
- d'évaluer l'impact d'une modification (retard, ajout de ressource) sur la date de livraison.
Exemple chiffré et cas pratique
Considérons un mini-projet composé de 5 activités : A, B, C, D, E avec dépendances A -> B -> D, A -> C -> D, D -> E. Estimations (a,m,b) en jours :
- A : (1, 2, 3) ; TE = (1 + 4*2 + 3)/6 = 2, variance = ((3-1)/6)² = (2/6)² = 0,111... ;
- B : (2, 3, 8) ; TE = (2 + 12 + 8)/6 = 3,67 ; variance = ((8-2)/6)² = 1 ;
- C : (1, 2, 3) ; TE = 2 ; variance = 0,111... ;
- D : (3, 4, 6) ; TE = 4 ; variance = ((6-3)/6)² = 0,25 ;
- E : (1, 1, 2) ; TE = 1,17 ; variance = ((2-1)/6)² = 0,028... .
Somme des TE le long des chemins :
- A-B-D-E = 2 + 3,67 + 4 + 1,17 = 10,84 jours ;
- A-C-D-E = 2 + 2 + 4 + 1,17 = 9,17 jours.
Le chemin critique est A-B-D-E (10,84 jours). La variance du chemin critique est la somme des variances des activités critiques (≈ 1 + 0,25 + 0,028 = 1,278), écart-type ≈ 1,13 jour. On peut estimer la probabilité d'achever en 12 jours : Z = (12 - 10,84) / 1,13 ≈ 1,02 -> probabilité ≈ 84%.
Étapes pratiques pour construire et utiliser un PERT
- Recenser et décomposer les tâches en unités cohérentes (WBS simplifié) ;
- Recueillir des estimations a, m, b auprès des experts ou en se basant sur données historiques ;
- Établir le tableau de synthèse des tâches : identifiant, description, a/m/b, TE, prédécesseurs ;
- Tracer le réseau PERT en respectant les dépendances et en positionnant les durées TE ;
- Calculer les dates au plus tôt / au plus tard, identifier le chemin critique et les marges (float) ;
- Analyser l'incertitude globale, simuler des scénarios (Monte Carlo) si nécessaire, et définir des actions de mitigation (buffers, ressources supplémentaires) ;
- Mettre à jour le PERT en mode contrôle au fur et à mesure de l'exécution pour recalculer les impacts.
Avantages, limites et bonnes pratiques
Avantages : la méthode PERT apporte une vision probabiliste du planning, facilite la mise en évidence des interdépendances et priorise l'effort de pilotage sur les activités critiques. Elle est particulièrement adaptée aux projets longs, complexes et innovants où l'incertitude sur les durées est élevée.
Limites : la qualité des résultats dépend fortement de la pertinence des estimations a, m, b ; la méthode suppose souvent indépendance des durées et une distribution approximativement symétrique autour de TE, ce qui n'est pas toujours vrai. PERT ne gère pas directement les contraintes de ressources - il doit être couplé à des outils d'ordonnancement et de leveling pour les projets soumis à des ressources limitées.
Bonnes pratiques : documenter les hypothèses, impliquer les experts opérationnels pour les estimations, utiliser des données historiques pour calibrer les distributions, combiner PERT et chemin critique pour le suivi, et compléter par des simulations pour évaluer les risques temporels.
Cas d'usage typiques
- Projets de recherche & développement et innovation ;
- Programmes industriels à étapes séquentielles et parallèles longues ;
- Projets de construction ou d'intégration systèmes avec fortes incertitudes sur les phases d'essai ;
- Planification de programmes multi-équipes où la coordination des dépendances est cruciale.
En résumé, la méthode PERT est un outil d'analyse probabiliste du planning qui, bien appliqué, améliore la visibilité sur la durée attendue, aide à identifier les activités critiques et éclaire les décisions de mitigation. Sa valeur pratique dépend de la qualité des estimations et de la combinaison avec des techniques complémentaires (CPM, gestion des ressources, simulation).